Rôle des récifs artificiels dans la structuration des communautés marines et la dynamique du carbone : approche expérimentale en mésocosmes
CONTEXTE ET CONTENU DU STAGE :
L’éolien en mer constitue l’un des principaux leviers de la transition énergétique en Europe (Karlsson et al., 2022 ; Zupan et al., 2023) et en France, notamment en Manche qui bénéficie de conditions climatiques favorables pour l’implantation de parcs éoliens offshore avec des vents réguliers et des fonds marins relativement peu profonds. À ce titre, le littoral normand est ainsi destiné à devenir, d’ici 2030, la première zone de production éolienne nationale, plusieurs parcs étant déjà en activité et d’autres, comme celui de Courseulles-sur-Mer, en cours d’installation. Toutefois, cette expansion s’inscrit dans une zone côtière déjà fortement sollicitée par diverses pressions anthropiques (pêche, tourisme, transport maritime, eutrophisation et artificialisation du littoral) générant à la fois des enjeux socio-économiques et des impacts environnementaux notables. Ces impacts peuvent être considérés comme positifs ou négatifs (Raoux et al., 2018 ; Peña & al., 2024). Les parties immergées des mâts des éoliennes introduisent un nouveau substrat dur dans le milieu, jouant le rôle de récifs artificiels pouvant être colonisés par divers organismes. Ce phénomène, connu sous le nom « d’effet récif », augmente la capacité d’accueil du milieu pouvant accroître la productivité locale et influencer favorablement les ressources halieutiques (Vivier et al., 2021). Cependant, ces structures artificielles peuvent aussi générer des effets négatifs, tels que l’introduction d’espèces non indigènes, la dégradation d’habitats ou la modification des flux de carbone (Degraer et al., 2020). Or, ces flux dépendent en grande partie de l’activité des producteurs primaires (macroalgues, microphytobenthos et phytoplancton), dont la production photosynthétique alimente non seulement les réseaux trophiques mais conditionne aussi la fixation et le transfert du carbone au sein des écosystèmes marins. L’implantation de récifs artificiels, en influençant l’abondance ou la composition des producteurs primaires, pourrait donc modifier la dynamique globale du carbone marin, avec des effets sur le fonctionnement biogéochimique des zones concernées.
L’accès aux parcs éoliens présentant des contraintes réglementaires et techniques importantes, l’immersion de structures artificielles à plus petite échelle constitue une alternative intéressante pour expérimenter et évaluer les effets écologiques liés à ce type d’aménagement. Des structures artificielles, composées en partie de parpaings ont été immergées dans le cadre du projet INTERREG RECIF (2013-2015) en Baie de Seine ainsi que dans la grande rade de Cherbourg. De précédentes études ont démontré des communautés et une production primaire distinctes pour ces deux sites conduisant à différentes typologies d’effet récif allant de récifs dits « producteurs primaires », riches en macroalgues, à des récifs dits « consommateurs primaires », où le fonctionnement repose sur l’utilisation du phytoplancton (Vivier et al., 2022).
Dans la continuité des travaux précédents, ce stage vise à étudier les flux de carbone entre les différents compartiments biologiques ayant colonisé ces parpaings, ainsi que le métabolisme global (photosynthèse et respiration) de ces structures avec une comparaison inter-sites. Pour ce faire, des parpaings immergés in situ depuis dix ans sur chacun des sites seront récupérés par l’équipe de plongeurs scientifiques de l’unité MERSEA et du CREC, puis placés en mésocosmes sous conditions contrôlées (lumière, température, oxygène, etc.).
Plusieurs approches méthodologiques seront mises en œuvre : photogrammétrie 3D pour la caractérisation des surfaces colonisées, fluorescence modulée, et déploiement de capteurs O₂/pCO₂ pour le suivi des échanges gazeux. Des mesures complémentaires de diversité, de biomasse et de photosynthèse permettront de relier la structure des communautés à leur activité métabolique. Enfin, un enrichissement en carbone stable (¹³C) sera réalisé afin de tracer l’incorporation et le transfert du carbone entre producteurs et consommateurs primaires à l’aide d’analyses isotopiques. Ces analyses seront réalisées avec l’appui de la plateforme d’isotopie PLATIN’ de l’Université de Caen Normandie.
Cette étude permettra de comprendre les dynamiques de colonisation et les flux de carbone associés lors de l’implantation de structures artificielles en Manche, contribuant à l’avancement de la modélisation des flux de carbone dans cette région.
PROFIL RECHERCHE :
- Etudiant(e) en Master 2 dans le domaine des sciences marines, écologie, biologie ou discipline équivalente.
- Compétences en laboratoire, analyse de données et rédaction.
- Goût pour les sorties en mer.
- Capacité à travailler en équipe.
- Intérêt pour la recherche.
INFORMATIONS CANDIDATURE
Les candidatures (lettre de motivation et CV) devront être adressées par mail à Pascal Claquin et Camille Carpentier avant le 31/10/2025 minuit